Lettre pastorale de Monseigneur Aillet pour le carême 2014

LETTRE PASTORALE DE MGR MARC AILLET POUR LE CARÊME 2014 AUX PRETRES ET DIACRES, CONSACRES ET FIDELES LAÏCS DU DIOCESE DE BAYONNE, LESCAR ET OLORON

Chers frères et sœurs,

« Revenez à moi de tout votre cœur… Revenez au Seigneur votre Dieu, car il est tendre et miséricordieux, lent à la colère et plein d’amour, renonçant au châtiment » (Jo 2, 12-13). C’est par ces mots du prophète Joël, proclamés dans la liturgie du mercredi des Cendres, que je souhaite commencer cette brève lettre pastorale. Je me propose ici de vous donner quelques indications pour vous préparer spirituellement à la démarche ecclésiale que nous accomplirons au terme du cycle pascal – carême et temps pascal – le dimanche de Pentecôte 8 juin 2014, où nous consacrerons notre diocèse au Sacré-Cœur de Jésus et au Cœur Immaculé de Marie. Je voudrais m’expliquer sur l’esprit de cette démarche, comme sur son actualité, et ajouter quelques considérations pratiques.

Un message de miséricorde et d’espérance

Dans son message pour le Carême 2014, le Pape François médite sur la logique de l’amour qui commande tout le mystère de l’Incarnation et de la Croix, à partir de ce verset de saint Paul : « Il s’est fait pauvre pour nous enrichir de sa pauvreté » (2 Cor 8, 9) : « Alors quelle est-elle cette pauvreté, grâce à laquelle Jésus nous délivre et nous rend riches ? C’est justement sa manière de nous aimer, de se faire proche de nous, tel le Bon Samaritain qui s’approche de l’homme laissé à moitié mort sur le bord du chemin ». Après avoir distingué la misère matérielle, qui suscite la diaconie de l’Eglise, de la misère morale, il enchaîne : « Cette forme de misère qui est aussi cause de ruine économique, se rattache toujours à la misère spirituelle qui nous frappe lorsque nous nous éloignons de Dieu et refusons son amour ». Et d’ajouter : « L’Evangile est l’antidote véritable contre la misère spirituelle : le chrétien est appelé à porter en tout lieu cette annonce libératrice selon laquelle le pardon pour le mal commis existe, selon laquelle Dieu est plus grand que notre péché et qu’il nous aime gratuitement, toujours, et selon laquelle nous sommes faits pour la communion et la vie éternelle ». C’est l’amour de Dieu qui est la cause principale de notre conversion.

La révélation du Cœur de Jésus

Si le cœur est, dans la tradition judéo-chrétienne, le centre intime de la personnalité humaine, le lieu de ses grandes opérations vitales de discernement et de décision, mais aussi le sanctuaire où l’homme s’entretient avec Dieu comme avec un ami, il est par excellence le siège de l’amour.

L’Evangile, qui parle le langage de l’amour, rapporte à longueur de versets les sentiments du cœur de Jésus, un cœur compatissant et passionné d’amour pour les hommes. Tous les commentateurs ont vu dans le côté transpercé de Jésus sur la croix, d’où ont jailli le sang et l’eau (cf. Jn 19, 34), la manifestation suprême de l’amour du cœur de Jésus, si bien exprimé par saint Jean au début de son récit du lavement des pieds : « Jésus … ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout » (Jn 13, 1).

Toutefois, Jésus ne parle qu’une seule fois de son Cœur, précisément pour inviter ceux qui peinent et qui souffrent à venir à lui et à se confier à son amour toujours disponible : « Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau, et moi, je vous donnerai le repos. Prenez sur vous mon joug et devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur ; et vous trouverez le repos pour vos âmes. Car mon joug est aisé et mon fardeau léger » (Mt 11, 28-30). Où l’on voit que le cœur de Jésus est un refuge et un abri, il adoucit et allège le poids de la croix qui pèse parfois si lourdement sur nos épaules.

De la révélation du Cœur de Jésus à la dévotion au Sacré-Cœur

L’évangile des dix lépreux (cf. Lc 17, 11-19) me semble emblématique de la démarche communautaire de consécration du diocèse au Sacré-Cœur de Jésus et au Cœur Immaculé de Marie que nous voulons accomplir.

Dans le récit de ce miracle, Saint Luc parle de purification et non de guérison, tant la lèpre était liée au péché, dans la mentalité des juifs. C’est que le miracle accompli par Jésus va bien au-delà d’une guérison physique : il manifeste un amour de miséricorde qui va jusqu’au pardon des péchés et à la purification du cœur. L’évangéliste note qu’un seul de ces dix lépreux, que Jésus avait envoyé « se montrer aux prêtres », « voyant qu’il avait été purifié, revint sur ses pas en glorifiant Dieu à haute voix et se prosterna aux pieds de Jésus, en le remerciant » (Lc 17, 15-16). Et Jésus de s’étonner : « Est-ce que les dix n’ont pas été purifiés ? Les neuf autres, où sont-ils ? Il ne s’est trouvé, pour revenir rendre gloire à Dieu, que cet étranger ! » (Lc 17, 17-18).

Beaucoup plus tard, en juin 1675, ce sera le même ton de reproche que Jésus fera entendre, en manifestant son Sacré-Cœur à sainte Marguerite-Marie Alacoque, dans sa Visitation de Paray le Monial, alors qu’elle priait devant le Saint-Sacrement : « Voici ce Cœur qui a tant aimé les hommes qu’il n’a rien épargné jusqu’à s’épuiser et se consommer pour leur témoigner son amour ; et pour reconnaissance, je ne reçois de la plupart que des ingratitudes, par leurs irrévérences et leurs sacrilèges, et par les froideurs et les mépris qu’ils ont pour moi dans ce Sacrement d’amour. Mais ce qui m’est le plus sensible est que ce sont des cœurs qui me sont consacrés qui en usent ainsi ».

On voit que l’accent est mis sur le grand amour dont Jésus nous aime. C’est le cœur même de la Révélation chrétienne : nous croyons en un Dieu qui s’est fait proche de nous et de tout ce qui nous préoccupe, en un amour qui nous est donné « absolument gratuitement, sans aucun mérite préalable », plus encore : « un amour qui pardonne » (Benoît XVI, Deus Caritas est n. 9). La grande affaire de la vie chrétienne, c’est de faire premièrement l’expérience de cet amour, jusqu’à s’écrier avec saint Paul : « Ma vie présente dans la chair, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré pour moi » (Ga 2, 20). C’est faire l’expérience de ce dialogue émouvant de Jésus ressuscité avec Pierre, sur le bord du lac de Tibériade : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu plus que ceux-ci », et Pierre de répondre par trois fois : « Seigneur, tu sais tout, tu sais bien que je t’aime » (cf. Jn 21, 15-17). On a fait remarquer que le verbe grec employé par Jésus dans les deux premières questions est celui qui désigne l’amour d’agapé, l’amour divin par excellence, l’amour parfaitement gratuit, tandis que Pierre répond toujours par l’amour philia, l’amour d’amitié, jusqu’à ce que Jésus lui-même, dans la troisième question utilise lui-même le verbe qui désigne l’amour d’amitié. Mais c’est précisément après avoir fait l’expérience de son triple reniement et croisé le regard infiniment miséricordieux de son Maître, que Pierre peut humblement assurer Jésus de son amour d’amitié, un amour qui ne se démentira plus et qui compensera, jusqu’au don total de sa vie, l’ingratitude de son reniement. Qu’est-ce en effet que l’amour d’amitié, sinon un amour mutuel de bienveillance fondé sur un bien commun ?

Lors de cette même apparition de juin 1675, Jésus dit à Marguerite-Marie : « C’est pour cela que je te demande que le premier vendredi après l’octave du Sant-Sacrement soit dédié à une fête particulière pour honorer mon Cœur, en communiant ce jour-là, et en lui faisant une réparation d’honneur par une amende honorable, pour réparer les indignités qu’il a reçues pendant le temps qu’il a été exposé sur les autels ». Ces apparitions furent authentifiées grâce au confesseur de Marguerite-Marie, le jésuite saint Claude de la Colombière, et la dévotion au Sacré-Cœur se répandit dans toute l’Eglise. La demande du Sacré-Cœur d’instituer une fête solennelle fut honorée par le Pape Clément XIII, en 1765, pour la Pologne et la France, et étendue à l’Eglise universelle par le bienheureux Pie IX le 23 août 1856.

L’esprit de la consécration au Sacré-Cœur

Tout l’esprit de la consécration au Sacré-Cœur est là : manifester à Jésus sa reconnaissance pour l’amour gratuit qu’il nous donne, entrer dans une relation toujours plus profonde d’amitié avec lui, lui faire une absolue confiance en prenant conscience de sa propre impuissance face aux épreuves du monde et de l’Eglise, sûr que sa miséricorde est bien la limite imposée par Dieu au mal qui se déploie dans le monde, et ainsi réparer pour l’ingratitude des hommes, en particulier de ceux qui lui sont consacrés.

Je sais bien que le concept de « réparation » ne nous est plus très familier et pourtant il fait partie intégrante du Mystère de notre Rédemption. Quand le Catéchisme de l’Eglise Catholique l’utilise dans le contexte du péché et du sacrement de Pénitence et de Réconciliation, on le comprend aisément. A propos de la « satisfaction » par exemple, que l’on appelle encore « pénitence », le Catéchisme explique : « Beaucoup de péchés causent du tort au prochain. Il faut faire le possible pour le réparer […] La simple justice exige cela. Mais en plus, le péché blesse et affaiblit le pécheur lui-même, ainsi que ses relations avec Dieu et avec le prochain. L’absolution enlève le péché, mais elle ne remédie pas à tous les désordres que le péché a causés […] Il doit donc faire quelque chose de plus pour réparer ses péchés » (CEC n. 1459). Mais le fondement de cette « réparation » est à chercher dans l’obéissance du Christ que Jésus substitue à notre désobéissance, à travers l’acte de notre Rédemption, c’est-à-dire son sacrifice sur la croix : « Jésus a réparé pour nos fautes et satisfait pour nos péchés » (CEC n. 615). Mais c’est précisément le témoignage suprême de son amour pour nous qui répare l’immense désordre engendré dans l’ordre créé par le péché : « C’est ‘l’amour jusqu’à la fin’ (Jn 13, 1) qui confère sa valeur de rédemption et de réparation, d’expiation et de satisfaction au sacrifice du Christ » (CEC n. 616).

En lien avec la consécration baptismale

La dévotion au Sacré-Cœur, telle qu’elle a été définie par Jésus lui-même en révélant son Cœur et en s’adressant à sainte Marguerite-Marie, nous plonge dans ces profondeurs de la vie chrétienne, inaugurée en nous au jour de notre baptême. C’est alors que Dieu « nous a arrachés au pouvoir des ténèbres et nous a transférés dans le Royaume de son Fils bien-aimé » (Co 1, 13). Par l’amour concret qu’il nous a témoigné ce jour-là, en nous unissant à sa mort et à sa résurrection, Jésus nous a consacrés dans son amour, de telle sorte que nous lui appartenions et demeurions dans cette alliance d’amour, dans la mesure où nous consacrerons notre vie, toutes les dimensions de notre existence, à son amour, en répondant amour pour amour. Ce qui passera nécessairement par l’expérience de sa miséricorde, chaque fois que nous serons infidèles à son amour. Et on voit bien que la Consécration au Sacré-Cœur de Jésus est une inspiration du Ciel pour donner toujours plus de chair à notre consécration baptismale.

Un acte de piété populaire

La Consécration au Sacré-Cœur appartient à la piété populaire. Parce que le cœur est le siège de l’amour et son symbole le plus persistant dans l’inconscient collectif – qui n’utilise pas ce symbole du cœur pour dire qu’il aime, en particulier dans l’imagerie de la Saint Valentin, le patron des amoureux ? –, le cœur de Jésus peut encore faire vibrer les hommes et les femmes de notre temps, dans la simplicité de sa manifestation à sainte Marguerite-Marie et de ses représentations dans l’imagerie populaire. On peut ne pas aimer ces images du Sacré-Cœur qui ont fleuri depuis le XVIIe siècle, mais elles appartiennent à notre patrimoine de famille et elles véhiculent, dans la piété du Peuple de Dieu, une richesse affective de sentiments qui nous ouvrent à une véritable expérience spirituelle, nous portant à aimer Jésus simplement d’un amour d’amitié à même de transformer toute notre vie. C’est que Jésus n’est pas une idée, voire une idéologie, c’est une personne vivante, avec laquelle il est possible d’instaurer une véritable relation d’amitié. D’ailleurs cette imagerie, née au XVIIe siècle, a été confirmée par Jésus lui-même au XXe, en montrant son Cœur à sainte Faustine.

J’ai déjà eu l’occasion de dire l’importance que le Pape François, qui nous vient d’Argentine, accorde à la religiosité populaire, dont le Pape Benoît XVI a précisé, en ouvrant la Vème Conférence générale de l’Episcopat Latino-américain et des Caraïbes, le 13 mai 2007, qu’elle est « le trésor précieux de l’Eglise catholique en Amérique latine », et que le document d’Aparecida, Disciples missionnaires de Jésus-Christ pour que nos peuples aient la vie en lui, présente comme un « espace de rencontre avec Jésus-Christ » (nn. 258-265). « Nous ne pouvons pas dévaluer la spiritualité populaire ou la considérer comme un mode secondaire de la vie chrétienne […] Dans la piété populaire, se trouvent et s’expriment un intense sentiment de la transcendance, une capacité spontanée de s’appuyer sur Dieu et une véritable expérience de l’amour théologal […] C’est une spiritualité chrétienne qui, étant une rencontre personnelle avec le Seigneur, intègre beaucoup le charnel, le sensible, le symbolique et les nécessités très concrètes des personnes » (n. 263).

La dévotion au Sacré-Cœur de Jésus est assurément un moyen de simplifier notre relation avec le Seigneur, là où elle pourrait avoir tendance à être trop cérébrale et, somme toute, assez desséchée. Un retour à la piété populaire est un bon remède à la tiédeur spirituelle et à une forme nouvelle et larvée de gnose où, à force d’explication et de volonté d’adaptation à la modernité, le Mystère du Dieu vivant et incarné finit par se vider de son sens.

Une première annonce

De plus, la dévotion au Sacré-Coeur est comme une première annonce, une proclamation du kérygme. Dans sa belle exhortation apostolique Evangelii Gaudium, le Pape François nous rappelle l’importance du kérygme, « qui doit être au centre de l’activité évangélisatrice et de tout objectif de renouveau ecclésial » (n. 164). Et de nous donner une expression simple de ce kérygme : « Jésus-Christ t’aime, il a donné sa vie pour te sauver, et maintenant il est vivant à tes côtés chaque jour pour t’éclairer, pour te fortifier, pour te libérer » (Ibid). Comme le rappelle en ce sens le document d’Aparecida : « Dans le climat de sécularisation où vivent nos peuples, la piété populaire continue d’être une puissante confession du Dieu vivant qui agit dans l’histoire et un canal de transmission de la foi » (n. 264). A travers la simplicité évangélique de ses gestes d’attention à tous et de piété, le Pape François prêche d’exemple. Il est par excellence le Pape de la première annonce.

Consécration au Sacré-Cœur de Jésus et au Cœur Immaculé de Marie

Nous nous consacrerons donc au Sacré-Cœur pour reconnaître son amour et nous y unir afin d’y puiser notre propre réponse d’amour, nous confier à lui devant les épreuves apparemment insurmontables de notre époque, et réparer humblement pour tant d’ingratitudes qui montent du cœur des hommes. Ce sera donc en même temps une démarche de purification, de confiance absolue en Celui qui prend soin de nous et ne nous abandonne pas dans le danger, et de ferme propos de répondre amour pour amour.

Il va sans dire que tout ce que je dis de la consécration au Sacré-Cœur vaut pour la consécration au Cœur Immaculé de Marie : le cœur de Marie est inséparablement uni au cœur de son Fils. Comme une mère, elle nous apprend à déchiffrer les sentiments du Cœur de Jésus, à en pénétrer les ardeurs brûlantes et à nous consacrer à lui. Saint Louis-Marie Grignon de Montfort, dans son Traité de la vraie dévotion à la Sainte Vierge, qui fut le livre de chevet du Bienheureux Jean Paul II d’où il tira sa devise Totus tuus – Je suis tout à toi, a développé toute une pratique de la Consécration à Jésus par Marie pour renouveler la consécration baptismale.

Une démarche de guérison

Pour revenir à nos ingratitudes par rapport à l’amour dont nous sommes aimés et qui trouve sa plus grande actualisation dans l’Eucharistie, Sacramentum caritatis – Sacrement de l’amour -, nous sommes plus que jamais, en ce temps de Carême, appelés à la conversion. Que de négligences, parfois de tiédeur ou d’indifférence, dans notre manière de traiter la présence d’amour de Jésus dans l’Eucharistie ! Que de blessures de la charité fraternelle au sein de nos familles, de nos communautés, au sein même du presbyterium : que de jugements les uns sur les autres, que de reproches et de procès ! Tout cela m’apparaît en méditant le psaume 102 qui me dénonce : « Le Seigneur est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’amour ; il n’est pas pour toujours en procès, ne maintient pas sans fin ses reproches ». Comme nous voudrions en ce Carême et en ce Temps pascal 2014, pour nous préparer à une consécration qui renouvelle en profondeur notre Eglise diocésaine, demander au Cœur de Jésus, à son amour crucifié, de guérir nos blessures, celles que, bien souvent malgré nous, nous entretenons entre nous, jusqu’à donner un contre-témoignage à ceux qui nous regardent et peinent à voir en nous et entre nous les sentiments qui étaient dans le Christ Jésus, qui se donnait tout entier par amour de ses frères et qui nous confiait son commandement nouveau : « aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jn 15, 9).

Les moyens de la dévotion au Sacré-Cœur

Le Sacrement de Réconciliation est le premier moyen de notre dévotion au Sacré-Cœur, c’est là en effet que le Cœur de Dieu se jette dans la misère de l’homme pécheur. Comme le disait le Pape François, lors de sa belle catéchèse du 19 février 2014 sur le sacrement de Pénitence : « Le pardon … c’est un don de l’Esprit Saint, qui nous comble de la fontaine de miséricorde et de grâce qui jaillit sans cesse du cœur grand ouvert du Christ crucifié et ressuscité ». N’ayons pas peur de recourir à ce beau sacrement, où nous faisons une expérience inouïe du grand amour dont nous sommes aimés : « La preuve que Dieu nous aime, dit saint Paul, c’est que le Christ, alors que nous étions encore pécheurs, est mort pour nous » (Rm 5, 8).

Jésus a demandé à Marguerite-Marie de l’accompagner chaque jeudi soir, durant une heure, pour participer à son agonie à Gethsémani. A partir de cette confidence faite à Marguerite-Marie, l’Eglise a recommandé la pratique de l’heure sainte devant Jésus-Eucharistie : « L’Eglise qui recherche sans cesse cette heure perdue dans le jardin des oliviers, perdue par Pierre, Jacques et Jean, pour réparer cette désertion et cette solitude du Maître qui a accru sa souffrance… Jésus nous permet en quelque sorte de le retrouver continuellement dans cette heure écoulée et irréversible, humainement parlant, et, comme jadis il nous invite à prendre part à la prière de son Cœur qui embrasse toutes les générations d’hommes » (Cardinal Wojtyla – Jean Paul II). C’est une invitation au cœur à cœur avec Jésus dans l’adoration eucharistique et aussi à la mise en place d’une heure sainte le Jeudi Saint au reposoir.

L’intronisation du Sacré-Cœur dans les familles peut être une pratique à recommander tout au long du Carême et du temps pascal, un moyen simple pour mettre l’amour de Jésus au cœur des relations familiales, comme un rappel, un remède et un refuge. Occasion pour chaque membre de la famille de se consacrer personnellement au Sacré-Cœur.

La Consécration au Sacré-Cœur, quelle soit personnelle, familiale, communautaire, paroissiale ou diocésaine. Elle consiste d’abord à vouloir être l’ami de Jésus par une relation personnelle et approfondie avec lui, sans avoir peur de réparer pour l’ingratitude des hommes insensibles à son amour. Elle consiste ensuite à ressaisir toute la réalité de notre vie physique, morale et spirituelle, personnelle et sociale, pour l’offrir à Jésus et la mettre à sa disposition en s’engageant à être témoin de son amour dans notre vie quotidienne. La dévotion au Sacré-Cœur, en particulier par le moyen d‘une vraie vie eucharistique, ne doit pas être considérée de manière individualiste et intimiste, jusqu’à devenir une excuse pour ne pas se livrer à la mission ; elle doit devenir au contraire la source d’un engagement social, caritatif, missionnaire renouvelé : « A ceci nous avons reconnu l’Amour : celui-là a donné sa vie pour nous. Et nous devons, nous aussi, donner notre vie pour nos frères » (1 Jn 3, 16).

Le sens de la Consécration du diocèse au Sacré-Cœur de Jésus et au Cœur Immaculé de Marie

Souvent dans le passé, aux heures difficiles, on a eu recours à ces actes de consécration au Sacré-Cœur ou au Cœur Immaculé de Marie, comme le Seigneur lui-même le recommanda à Sainte Marguerite-Marie à Paray le Monial ou comme la Vierge Marie le demanda aux enfants de Fatima. Les Papes modernes y ont été sensibles. Faut-il rappeler l’acte de consécration du monde à Marie par le Pape Jean-Paul II en 1984, celui du Pape François le 13 octobre 2013, à Rome, devant la statue des apparitions de Fatima, ou encore l’acte de consécration des prêtres du monde entier que le Pape Benoît XVI accomplit à Fatima le 12 mai 2010 ? Nous avons bien des raisons aujourd’hui, de nous consacrer à Jésus par Marie, alors que la vie humaine, le mariage, la famille, l’éducation, le travail, la paix sociale sont gravement menacés par des « idéologies du mal » (Jean Paul II) qui trouvent une inscription juridique contraignante dans notre société française ; mais aussi à l’heure où notre Eglise doit relever le défi de la transmission de la foi et de la relève sacerdotale. Il s’agit de crier vers Dieu d’une manière exceptionnelle, comme on le voit dans la tradition hébraïque et dans la tradition chrétienne, en période de grandes épreuves. Il s’agit de redire au Christ et à Marie notre amour et notre confiance, qui passent par une vraie rénovation des promesses de notre baptême. Quand nous nous sentons impuissants, malgré tous nos engagements sociaux, caritatifs et missionnaires, dans lesquels nous voulons être renouvelés, nous nous tournons ensemble vers Dieu, non par un acte de crainte pour l’avenir, mais par un acte de confiance en un Dieu qui n’abandonne pas ses enfants et qui est toujours à l’œuvre dans notre histoire.

Le pèlerinage des reliques de Sainte Marguerite-Marie dans notre diocèse

Pour nous aider à nous préparer spirituellement à cette Consécration, dont je viens de préciser l’esprit, la pertinence et l’actualité, un reliquaire de sainte Marguerite-Marie, confié par le monastère de la Visitation de Paray le Monial, sillonnera le diocèse depuis le 18 mars jusqu’au 8 juin 2014. Je ne doute pas qu’elle saura elle-même toucher les cœurs, les plus tièdes ou les plus sceptiques, voire les plus endurcis, afin de les enflammer d’amour pour le Seigneur et pour leurs frères. Tous pourront l’accueillir : paroisses, communautés religieuses, écoles, aumôneries, maisons de retraite, hôpitaux, maisons d’arrêt, mouvements…

Il vous suffit de vous inscrire. Je compte particulièrement sur les curés de paroisse, qui demanderont le reliquaire, pour le proposer aux réalités énumérées ci-dessus et présentes sur leur territoire paroissial. Pour réserver le reliquaire, il vous suffit de vous adresser à Stanislas Martin qui en assurera la coordination, par courriel : reliquesmm64@gmail.com ou bien par téléphone : 07 82 20 84 90.

En vous souhaitant un bon Carême, je vous assure de ma prière et de mes sentiments dévoués et fraternels dans le Christ et Son Eglise.

Bayonne, le 5 mars 2014

+ Marc Aillet

Evêque de Bayonne, Lescar et Oloron