Prière du bâtisseur de cathédrales, XIIIème siècle

    Apprends-moi, Seigneur, à bien user du temps que tu me donnes pour travailler et à bien l’employer sans rien en perdre. Apprends-moi à tirer profit des erreurs passées sans tomber dans le scrupule qui ronge. Apprends-moi à prévoir le plan sans me tourmenter, à imaginer l’œuvre sans me désoler si elle jaillit autrement. Apprends-moi à unir la hâte et la lenteur, la sérénité et la ferveur, le zèle et la paix. Aide -moi au départ de l’ouvrage, là où je suis le plus faible. Aide-moi au cœur du labeur à tenir serré le fil de l’attention. Et surtout comble Toi-même les vides de mon œuvre. Seigneur, dans tout labeur de mes mains laisse une grâce de Toi pour parler aux autres et un défaut de moi pour me parler à moi-même. Garde en moi l’espérance de la perfection, sans quoi je perdrais cœur. Garde-moi dans l’impuissance de la perfection, sans quoi je me perdrais d’orgueil. Purifie mon regard : quand je fais mal, il n’est pas sûr que ce soit mal et quand je fais bien, il n’est pas sûr que ce soit bien Seigneur, ne me laisse jamais oublier que tout savoir est vain. Et que tout travail est vide sauf là où il y a amour. Et que tout amour est creux qui ne me lie pas à moi-même et aux autres et à Toi Seigneur, enseigne-moi à prier avec mes mains, mes bras et toutes mes forces. Rappelle-moi que l’ouvrage de ma main t’appartient et qu’il m’appartient de te le rendre en le donnant. Que si je fais par goût du profit, comme un fruit oublié je pourrirai à l’automne. Que si je fais pour plaire aux autres, comme la fleur de l’herbe je fanerai au soir. Mais si je fais pour l’amour du bien je demeurerai dans le bien. Et le temps de faire bien et à ta gloire, c’est tout de suite.

       Ainsi soit-il